Depuis la mission Apollo 17, en 1972, nul homme n’a reposé le pied sur la Lune. Mais alors que Virgin Galactic se prépare au tourisme spatial et que les Français ont les yeux tournés vers Thomas Pesquet et l’ISS, la prochaine étape de la conquête spatiale se prépare : être en mesure d’établir une base permanente sur la Lune, et partir de notre satellite pour atteindre Mars.
Starship, la fusée conçue par SpaceX, la société d’Elon Musk, doit permettre à la Nasa de retrouver la surface de notre satellite après-demain, à l’horizon 2024, dans le cadre du projet Artemis. À bord de la Space Launch System rocket, on retrouvera, qui sait, Thomas Pesquet aux côtés d’une astronaute américaine. Mais les projets pour s’installer sur la Lune ne manquent pas, malgré des conditions extrêmes. Du côté de l’ESA, on réfléchit d’abord à l’idée de confier à des robots la tâche de construire une base lunaire. Un projet récemment présenté lors de l’assemblée de l’Union européenne des géosciences : les trois robots de la mission PRO-ACT devraient établir sur la Lune une unité de production d’oxygène à partir du régolithe du sol lunaire, alimentant les modules d’habitation. L’environnement lunaire a déjà été reconstitué au sein du Centre d’innovation en robotique de Brême (Allemagne). Un autre projet suppose quant à lui que des astronautes installent en moins de huit heures un module de vie dans un tunnel de lave et y passent quelques jours. Une idée testée sur Terre en Finlande et à Hawaï.
Mais pour conquérir la Lune, et y poser avec précision des vaisseaux non habités, il faut aussi communiquer. L’ESA prévoit donc de lancer trois à cinq satellites en orbite autour de la Lune, afin de la doter de l’équivalent d’un système GPS et d’un réseau de télécommunications pouvant servir à toutes les missions lunaires. Ce système satellitaire baptisé Moonlight réduirait d’autant le coût de ces missions, qui n’auraient plus besoin d’embarquer de coûteux systèmes de communication et de navigation.
Cependant, le plus grand bouleversement géopolitique de la conquête de l’espace se déroule à l’est : la Chine et la Russie viennent d’annoncer, en mars dernier, leur volonté de créer une base lunaire commune ! Une question d’orgueil national et de prestige, mais aussi de stratégie pour les deux superpuissances, alors que les Américains peuvent désormais compter sur SpaceX pour rejoindre l’espace sans l’aide des Russes, pionniers de l’espace. Quant à la Chine, qui vient d’atteindre tant la face cachée de la Lune que la surface de Mars, ses ambitions spatiales sont claires : pour Xi Jinping, « la conquête de l’espace lointain fait partie du rêve chinois ». Après une première phase d’exploration en 2024-2025, la seconde permettrait entre 2026 et 2030 de s’installer sur le site choisi. Enfin, les premiers humains devraient être envoyés sur place à l’horizon 2030-2035, pour une présence humaine à long terme au pôle sud lunaire entre 2036 et 2045. Cette station de recherche sino-russe sur la Lune devrait « mener des travaux de recherche multidisciplinaires et polyvalents liés à l’exploration et à l’exploitation de notre satellite. »
Au fond, est-ce la surface de la Lune qui attire tant, ou les éventuelles ressources rares de son sous-sol ? La course à la Lune, et à ses minerais, est bel et bien lancée.
Judikael Hirel
Source : Financial Times
Cet article est publié à partir de La Sélection du Jour.